Quand une photo de famille innocente dévoile un mystère enfoui depuis 1892
Une vieille photo redécouverte dans les archives de Puebla, Mexique, semble d'abord un simple portrait de famille du XIXᵉ siècle. Pourtant, une attention plus poussée révèle une histoire tragique derrière les visages sereins des jumeaux dans les bras de leur mère. Ce cliché, autrefois vu comme une image d'amour maternel, cache un récit qui continue de captiver les chercheurs aujourd'hui.
Un aperçu d’une époque révolue

Au premier regard, cette photographie ressemble à de nombreux portraits de la fin du XIXᵉ siècle. Les vêtements sont typiques de l’époque : une robe sombre avec un col haut, des dentelles délicates, et de petits chaussons blancs. Catalina Ruiz de Herrera, la mère, faisait partie d’une famille aisée de Puebla. Mariée à Don Felipe Herrera, un commerçant prospère, elle représentait la bourgeoisie locale, fière de ses traditions. Le cliché fut capturé par Don Abundio Cortés, célèbre pour la qualité de ses portraits et son usage magistral de la lumière naturelle.
Pourtant, un examen plus attentif révèle quelque chose de troublant. Le regard de la jeune femme paraît absent, flottant entre tendresse et détachement. Les jumeaux, Ana Lucía et José Miguel, semblent étrangement immobiles. Cette impression, notée par plusieurs chercheurs, pourrait s’expliquer par les longs temps de pose requis à l’époque, nécessitant une immobilité totale. Cependant, certains y perçoivent un présage symbolique, un écho du destin tragique qui attendait cette famille.
La santé fragile d’une mère
Quelques mois avant d’immortaliser ce moment, Catalina avait donné naissance à ses jumeaux après un accouchement éprouvant. Les archives indiquent qu’elle était très affaiblie, tant physiquement que mentalement. Le terme “mélancolie maternelle”, utilisé dans les écrits médicaux du XIXᵉ siècle, désignait déjà ce que nous appelons aujourd’hui la dépression post-partum. À une époque où la santé mentale était un sujet tabou, ces troubles étaient mal compris, et les femmes qui en souffraient souvent isolées.
Son mari, Felipe, inquiet mais absorbé par ses affaires, avait engagé plusieurs domestiques pour aider. Les témoignages décrivent une jeune mère distraite, parfois absente, perdue dans ses pensées. Rien d’alarmant selon les normes de l’époque, où l’on parlait simplement de “fatigue nerveuse”. Mais la suite allait révéler un drame humain que la médecine de l’époque ne pouvait expliquer.
L’énigme de l’image

Trois mois après la prise de la photo, la famille Herrera fut frappée par une tragédie dont les détails restent nébuleux. Les archives judiciaires, les coupures de presse et les récits oraux divergent, mais tous mentionnent une nuit de juin 1892 qui bouleversa Puebla. Un accident domestique ? Une disparition inexpliquée ? Les récits varient, et aucune version ne s’impose.
Lorsque Don Abundio remit les plaques originales aux archives des années plus tard, les rumeurs refirent surface : certains affirmaient que les bébés paraissaient trop calmes, presque figés, comme si le cliché avait capturé plus que la vie. D’autres, plus rationnels, rappelaient que la technique photographique nécessitait une immobilité absolue. Le débat persiste encore aujourd’hui entre passionnés et historiens.
Une empreinte silencieuse du passé
Ce portrait, désormais exposé au musée historique de Puebla, fascine encore par sa combinaison d’ombre et de lumière. Il dévoile la beauté fragile d’une mère et de ses enfants, avec en arrière-plan le poids invisible de son époque : celui des normes sociales, du silence entourant la souffrance féminine, et du regard figé d’une société sur la maternité.
Les visiteurs racontent qu’en se tenant devant le cliché, ils ressentent une émotion unique — un mélange de tendresse et de malaise. Peut-être parce qu’il nous rappelle que chaque photo ancienne, aussi simple soit-elle, recèle mille histoires : celles que l’on a partagées, celles que l’on a gardées secrètes, et celles que l’on devine dans un regard.
Plus d’un siècle plus tard, l’image de Catalina Ruiz et de ses jumeaux continue d’émouvoir. Non pour la tragédie qu’elle évoque, mais parce qu’elle nous invite à aller au-delà de l’image : à comprendre les silences, les fragilités, et la part d’humanité que le temps n’efface jamais.